LE NOUVEL HOMO
Quand pour l’Homo Sapiens, le désir fut venu
D’exploiter son savoir, de montrer son génie,
Il créa, inventa, bâtit sans retenue
Des usines par-là, des cathédrales ici.
Domestiquant moutons, bovins et dromadaires
Il plante graminées, légumes et futaies,
Apprend à se mouvoir, en mer et dans les airs,
Gaz, pétrole, charbon et électricité,
Et minéraux, de tout le voilà qui fait ventre,
Et l'atome, soumis, chauffera ses cités.
Bref, dans la nuit des temps jaillissant de son antre,
Il conquiert l’univers et sa diversité.
Vents et marée? Il invente les éoliennes.
A l’affut de signaux électromagnétiques
Il étudie le ciel, l'immensité est sienne,
Et il donne de tout la version numérique.
Les sachants, les savants, les académiciens,
Emerveillés par un succès si peu banal,
Louangent le parcours fulgurant de Sapiens,
Et doctement déclarent mort Néandertal.
Le héros continue, étudie le génome,
L’infiniment petit, scrute les molécules,
Plus rien décidément n'arrêtera notre homme,
Il comprend tout, les quarks, les nanoparticules,
Le microbe se rend, la bactérie défaille,
Et puis soudain voilà qu'un triste animalcule
Un virus corona, pas plus gros qu'un détail,
Du fin fond de la Chine, asiate minuscule,
Envoie bouler Sapiens au bas du piédestal
D'où il gérait, faraud, ses petites affaires,
Et fait renaître en lui le frisson ancestral
L'angoisse irraisonnée et la terreur grégaire.
Lui qui maîtrisait tout avec technicité,
Balayant du revers de la main la Nature
Et dans l'aveuglement de sa folle fierté
De l'Environnement transformé en pâture
Nourrissant ses projets en toute liberté,
Le voilà ramené à proportion des choses
Et prié de savoir que lorsque trop on ose
Suit sans tarder une leçon d'humilité.